Jusqu’au 9 février 2009
[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Musee-MUSEE-DU-LOUVRE–merc—vend-soirs–MULO2.htm]
Musée du Louvre, Aile Sully, Entrée par la pyramide, 75001, 9€
Totalement inconnu en France et même au Danemark, son pays natal! Nicolaï Abilgaard (1743-1809) – artiste majeur de l’art nordique de la fin du XVIIIe siècle – mérite une exposition illustrant son oeuvre à la fois singulière et universelle. Peintre, architecte, dessinateur et décorateur, Abilgaard réalise une production qui s’inspire des idées des Lumières et de la Révolution française. Bien qu’il soit un citoyen de la monarchie absolue dano-norvégienne. Ce conflit d’intérêts va générer quelques couacs!
Rien ne laisse présager la carrière élitique du jeune Abilgaard, issu d’un milieu modeste. Son père, autodidacte et passionné de sciences naturelles, est chargé de faire des relevés d’après les principaux monuments des antiquités danoises. Seulement, l’érudition du pater n’apporte pas de ressources pécunières à la famille. Les deux fils doivent travailler pour payer leurs études. Christian devient vétérinaire; Albigaard entre à l’Académie royale des beaux-arts de Copenhague, qui fonctionne comme le modèle français: suprématie est donnée à la peinture d’Histoire.
Après l’Italie, Abilgaard séjourne à Paris où il se familiarise avec l’oeuvre de Nicolas Poussin (1594-1665), dont il tient la peinture d’Histoire en haute estime.
De retour au Danemark, l’artiste joue un rôle important dans le développement du courant néoclassique. Ses oeuvres, bien que teintées de romantisme, s’élèvent dans les sphères intellectuelles de part leur sujet historique. De fait, Abilgaard est considéré comme le « peintre philosophe » de l’époque.
En effet, l’esquisse d’Abilgaard représente un paysan, offrant une gerbe de blé au roi. Il est agenouillé aux pieds de son souverain, qui brise sur sa cuisse droite un joug, signifiant la fin de la résidence forcée (stavnsbaand) – loi qui rive à vie tout paysan à la terre où il est né (elle sera finalement abolie en 1788).
Bien que pressentant la nécessité d’une telle réforme, les autorités royales n’entendent pas se couper l’herbe sous le pied et porter atteinte au pouvoir absolu du roi. Or, l’oeuvre d’Abilgaard, engageant à libérer la population paysanne de son assujettissement aux seigneurs et à la noblesse lance un signal libérateur. Le roi, atteint de schizophrénie, n’aurait pas été capable de résister à un tel assaut révolutionnaire. Abilgaard perd donc le projet de décoration de la salle d’honneur de la résidence royale, Christiansborg.
Dès lors, l’artiste doit se contenter de servir la maison royale pour des projets ponctuels, tel l’aménagement du palais Levetzau – la nouvelle résidence royale après l’incendie en 1794 de Christiansborg, qui détruit nombres d’oeuvres d’Abilgaard.
En 1799, des écrits subversifs incitent le gouvernement danois à rétablir la censure. Les gravures d’Abilgaard sont interdites. La Philosophie (1800), La Théologie (1800), La Justice (1800), d’inspiration révolutionnaire, restent enfermées dans son atelier.
Au centre de l’exposition, organisée conjointement par Elisabeth Foucart – Walter (conservateur en chef au département des Peintures du musée du Louvre) et Thomas Lederballe (conservateur au département des Arts graphiques du Statens Museum for Kunst, Copenhague), est évoquée la bibliothèque d’Abilgaard passionné des oeuvres de W. Shakespeare et des poèmes du barbe Ossian.
Une sublime exposition découverte qui mêle érudition, rigueur, tradition et révolution!