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30 journées qui ont changé l’art

Le Roman vrai de l’impressionnisme de Thomas Schlesser & Bertrand Tillier
Beaux-Arts Editions, 207p., mai 2010, 23€

L’impressionnisme – c’est tellement bateau! Tout le monde croit savoir ce qu’il en retourne, se permet de snober le sujet, et pourtant… Thomas Schlesser et Bertrand Tillier nous prouvent notre ignorance en la matière. Dans Le Roman vrai de l’impressionnisme, les auteurs retracent à travers 30 journées précises, valorisant la petite anecdocte intime, les multiples tenants et aboutissants de ce mouvement artistique à la fois si populaire et si décrié. Une véritable leçon d’Histoire qui se lit comme un roman!

Premier litige sur le sujet: la chronologie du mouvement. A quand faire commencer et terminer l’impressionnisme? Si l’on s’en tient aux expositions qui montrent les oeuvres d’artistes qui s’étiquettent « impressionnistes », elles s’étalent de 1874 à 1886 et s’élèvent au petit nombre de huit. Or, cette datation rigide ne permet pas de tenir compte de la production avant-gardiste d’Edouard Manet (comment exclure La Musique aux Tuileries de 1862, Le Déjeuner sur l’Herbe de 1863 ou L’Olympia de 1865 ?). Ni l’inventeur des séries, Claude Monet, avec ses meules et ses cathédrales, réalisées dans les années 1890. « Les coups d’éclat de Manet participent à la construction du mouvement et les recherches plastiques de Monet en sont un des aboutissants », affirment les auteurs.

Donc au début, il y a le groupe des Batignolles, en référence au quartier parisien où une jeune génération refait le monde, mené par Manet. Si ces artistes aiment discourir sur leurs thèmes de prédilection – la modernité, l’éclaircissement de la palette, le goût pour le « non-fini » – ils ne s’unissent pas, au point de signer un manifeste (comme le feront les Futuristes et les Surréalistes).

Il s’agit plutôt d’une émulation intellectuelle qui les conduit autour de 1870 à fédérer autour d’une conviction esthétique, au coeur de laquelle réside l’idée qu’un tableau est un espace qui restrancrit non pas la nature telle que l’oeil humain la voit, comme le prétendent les détracteurs du mouvement qui les accusent d’avoir la vision altérée. Mais, la relation de l’homme à la réalité. « Un rapport toujours changeant, toujours renouvelé ».

Et cela nous paraît bien évident de nos jours. En effet, qui oserait contredire le fait que le ciel se pare de mille variations lumineuses ? Idem pour les reflets de l’eau mais aussi la représentation de la fumée (on parlerait de pollution aujourd’hui!) ou des ombres qui définissent un paysage urbain. D’où cette vision du monde légèrement floue, indécise, où la vie palpite au lieu d’être représentée figée.

Les thèmes principaux qui permettent d’exprimer cette constante mutation de l’environnement se concentrent dès lors autour des loisirs de la bourgeoisie (notamment les baignades sur le cours de la Seine ou en Normandie), les promenades à la campagne, les bals populaires. En ville, on trouve les soirées passées à l’Opéra, l’ambiance des cafés parisiens, ou encore le développement des chemins de fer qui permettent d’amorcer la révolution industrielle.

Cette exaltation de l’aspect fuyant de la réalité, précisent T. Schlesser et B. Tillier, est un aspect que les impressionnistes exploitent rarement sur le mode romantique de la mort à venir mais plutôt sur celui d’une « euphorie visuelle ». Et de rappeler les propos volontairement caricaturaux de Renoir: « Un beau matin, l’un d’entre nous n’eut plus de noir et l’impressionnisme est né. »

Un livre passionnant qui accompagne le festival de l’impressionnisme en Normandie (jusqu’en septembre 2010) et les deux expositions du musée des impressionnismes à Giverny. De quoi passer un été, la plante des pieds ramollie par l’eau certes, mais la tête un minimum active!

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