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Le Mexique des années 1930

Henri Cartier-Bresson / Paul Strand : Mexique, 1932-1934

Jusqu’au 22 avril 2012

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Fondation Henri Cartier-Bresson, 2 impasse Lebouis 75014

Confrontation étonnante que celle des photographies d’Henri Cartier-Bresson et de Paul Strand sur leur vision du Mexique, au début des années 1930, présentée à la Fondation Henri Cartier-Bresson. On y découvre deux styles différents sur un même sujet et des photographies surprenantes d’Henri Cartier-Bresson, humanistes, certes, mais qui n’hésitent pas à montrer la misère et le sexe dans un pays où la survie est de mise.
Paul Strand (1890-1976) arrive au Mexique en 1932, invité par Carlos Chavez, responsable de la culture au ministère de l’éducation. Strand imagine le Mexique « comme quelque chose de mystérieux, sombre et dangereux, inhospitalier ». Il y reste pourtant deux ans.

Grâce au soutien de C. Chavez, P. Strand expose avec succès à la Sala de Arte du ministère de l’éducation en 1933. Il enquête ensuite sur l’art et l’artisanat mexicain, dans l’état du Michoacan. Le photographe découvre la culture indigène et la piété de ses habitants.

Strand est nommé directeur des activités photographiques et cinématographiques du ministère de l’éducation et on lui confie la réalisation d’une série de films sur le Mexique. Son premier long-métrage, Redes, raconte l’histoire d’un groupe de pêcheurs en lutte contre une société corrompue. Les acteurs sont les habitants du village d’Alvarado. Le film, influencé par le cinéma russe, sort localement en 1936. Un an plus tard, les Américains le découvre sous le titre The Wave.

Le nouveau gouvernement mexicain, mis en place en 1934 sous l’égide de Lazaro Cardenas, ne prolonge pas ses fonctions. Strand rentre à New York en 1934. Il délaisse la photographie pour le cinéma. C’est alors que, sans doute – « rien n’est sûr », précise Agnès Sire, commissaire de l’exposition, il rencontre Henri Cartier-Bresson, au sein de l’association de cinéastes militants « Nykino ». Ce qui est sûr, en revanche, est que les deux hommes se se fréquentent de manière assidue en France, que Paul Strand a rejoint lorsque McCarthy lance à la « chasse aux sorcières » aux Etats-Unis (il s’installe à Orgeval à partir de 1951).

Henri Cartier-Bresson (1908-2004) débarque à Mexico en 1934. Il fait partie de la mission ethnographique menée par le Docteur Julio Brandan et soutenue par le musée du Trocadéro pour suivre la construction d’une route panaméricaine. Les financements n’arrivant pas, la plupart des membres de l’expédition rentre en France. H. Cartier-Bresson reste car il éprouve un vrai coup de foudre pour ce pays. « Pensez au soleil d’ici, aux courbes des montagnes tellement fortes, des horizons qui vont plus loin que l’infini [autant de paysages qu’il ne montre pas dans ses photos mexicaines, contrairement à Paul Strand, car il se concentre sur…] la vie de l’un ou de l’autre qui ne compte pas », écrit-il à ses parents en 1935. « Ce n’est pas une curiosité à visiter mais une vie à vivre ».

H.C.-B. parcourt ainsi le pays avec son Leica, il survit en travaillant pour la presse locale (Todo). Il fréquente les poètes Langston Hugues, Tonio Salazar et Natcho Aguirre. Il se passionne pour les muralistes et leurs fresques révolutionnaires. Puis il expose au Palacio de Bellas Artes en 1935 aux côtés du Mexicain Manuel Alvarez Bravo. Qu’il retrouve à la galerie new-yorkaise de Julien Levy lors de leur exposition collective « Documentary and Antigraphic photographs », en 1935, aux côtés du grand Walker Evans.

Ayant réuni assez d’argent pour partir à New York, H.C.-B. se tourne, une fois sur place, vers le cinéma. Il s’achète une caméra 35mm et rejoint le groupe Nykino. Il a tellement appris de ces cinéastes engagés, qu’à son retour en France, il assiste Jean Renoir pour La vie est à nous et Une partie de campagne. Il pense alors abandonner la photographie. En 1937, il part en Espagne réalisé un documentaire, Victoire de la vie, sur l’aide aux civils pendant la guerre civile. Son film est financé par Frontier Film, refonte du groupe Nykino.
A la fluidité des images d’enfants nus, de jolies jeunes filles, des miséreux dormant sur le sol de Cartier-Bresson s’oppose l’immobilité des photographies de Strand, qui n’en sont pas moins intenses. Strand reflète le Mexique à travers ses paysages et sa statuaire chrétienne, d’une manière dramatique, tandis que ses personnages posent de manière grave. Chez Bresson, on retrouve son côté mutin, avec des scènes prises par surprise (hommes vus de dos, à l’entrée d’une cabane, que peuvent-ils bien regarder si avidement à l’intérieur?), mais il surprend par son rendu de la misère qu’il photographie à nu, sans emphase, tout en parvenant à magnifier ses sujets, le sourire souvent aux lèvres.

 

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