Site icon Artscape

Exposer un jardin

Pascal Cribier. « Les racines ont des feuilles »

Jusqu’au 28 septembre 2008

Espace EDF-Electra, 6, rue Récamier 75007, 01 53 63 23 45, Entrée libre.

Le vert n’a jamais été autant en vogue en France. Pourtant, peu de musées se risquent à exposer les oeuvres des paysagistes, écologistes par nature. L’espace EDF Electra fait un premier pas en offrant sa première monographie à Pascal Cribier. Un architecte DPLG – paysagiste, qui préfère avoir de la terre au bout des doigts que de concevoir un jardin numériquement.


Pascal Cribier (né en 1953, en Normandie) n’a ni téléphone ni ordinateur portables. C’est un homme de plantes, qui aime la pratique du terrain. Sa formation en pépinière lui permet de connaître les végétaux, ceux qui auront du mal à pousser, ceux dont les racines ne sont pas assez développées.

La création d’un jardin est pour lui la rencontre entre les exigences d’un commanditaire et celles d’un site. P. Cribier n’utilise pas de logiciel informatique pour dessiner son jardin. Il n’aime pas les images virtuelles, « nécessairement trompeuses, d’un jardin idéalisé: les plantes ont toutes la bonne taille, elles sont toutes resplendissantes, un état assez éloigné de la réalité lorsque le jardin vient d’être planté. »

Avant de sélectionner lui-même les plantes, Pascal Cribier entreprend une étude profonde du lieu pour optimiser la croissance des plantes. « Je demande toujours des études du sol avant de planter ». Pour vérifier qu’il ne soit pas infesté, en particulier, d’herbicides de synthèse ou de pyralène (cancérigène).

Il faut également tenir compte des différents cycles de vie des végétaux. « Les arbres, les arbustes, les vivaces, n’ont ni le même rythme de croissance, ni la même ‘espérance’ de vie. […] Je fais en sorte que ‘ces temps du jardin’ se superposent, s’harmonisent. Cette partie là de mon travail me passionne. Et lorsqu’une atmosphère particulière vient surprendre quelques amis réunis au jardin, et qu’ils restent là à profiter de l’instant, on touche à l’essence du jardin ». Si un jardin se parcourt, il est aussi fait pour être contemplé. D’où la poésie et le romantisme intimement liés aux jardins.

Enfin, Pascal pense au jardinier qui s’occupera après lui du site. « En Angleterre, j’ai vu des buis haut de plusieurs mètres agrémentés de rosiers et couronnés d’ancolies, magnifiques certes mais comment les tailler sans périlleuses acrobaties? »

Mais comment exposer un jardin? « Un jardin ne doit être ni un lieu où le temps serait figé, ni un musée Grévin, ni une supercherie éphémère où les afféteries l’emporteraient sur le sens profond », explique Laurent Le Bon, commissaire de l’exposition.

La première salle donne à voir les réalisations de Pascal Cribier sur de larges panneaux intercalés, sur lesquels défilent des images. Ils invitent le visiteur à se promener comme dans un jardin, mais intérieur. Le lieu est très (trop, pour les myopes!) sombre, seulement éclairé par la lumière des panneaux, reflétant la luminosité qui se dégage des jardins visionnés: réhabilitation du jardin « Le Plaisir » à Aramon (Languedoc-Roussillon), de l’îlot de Motu Tane (Bora Bora) après sa dévastation par le cyclone Wasa en 1991, transformation d’une ancienne exploitation agricole en haras (Rambouillet), aménagement d’un ranch dans l’Etat du Montana (Etats-Unis) et du jardin des Tuileries, jardin expérimental dans le parc du château de Méry-sur-Oise, conception du jardin de Woolton House, Hampshire (Grande-Bretagne)…

Une petite salle reconstitue, sur une symphonie d’Arnold Schönberg (Gurre-Lieder), le jardin laboratoire de Pascal Cribier, sur la côte normande, entre le plateau cauchois et la Manche. Là, cultures, falaises et forêts composent un paysage contrasté. Les différents espaces, bien que nettement différenciés, sont sans frontières. « La diversité des sols et la variété des expositions permettent de réaliser un véritable catalogue de plantes où chaque micro-paysage se lit comme une page, indépendante et tributaire des autres, à l’opposé d’un dépliant où toutes les images se chevauchent et s’annihilent ». D’où la succession de petits écrans, qui se regardent comme si nous lisions un livre.

L’étage inférieur dévoile le sous-sol d’un jardin – sa partie invisible, pourtant essentielle. « S’il n’a pas été possible d »exposer’ taupes, lombrics, araignées et autres micro-organismes, symboliquement nous montrons des souches avec leurs racines ». Les dernières études sur les sytèmes racinaires des arbres stipulent que, « à l’instar des feuilles, certaines racines ‘tombent’ à l’automne et poussent au printemps ». Une découverte pour Pascal Cribier qui a donné le titre de l’exposition.

C’est au premier étage que le visiteur perçoit toute la dimension artistique du projet du paysagiste. Il a réalisé une sorte de ready-made végétal, un « champ de racines », provenant du marais de Larchant (Seine-et-Marne), avec quelques plantes épiphytes et des champignons. Le tout baigné dans la lumière naturelle de l’espace EDF Electra. Une réalisation surprenante qui vaut son coup d’oeil.

Quitter la version mobile