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Le masque, emblème de l’illusion

Masques, mascarades, mascarons

Jusqu’au 22 septembre 2014

[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Musee-MUSEE-DU-LOUVRE–TARIF-JOURN-E–LOUV1.htm]

Musée du Louvre, Aile Sully, 2e étage, salles 20-23, Paris Ier

Associez-vous le casque d’un motard à un masque? A priori, non. « Et bien, cela en est un ! », rétorque Dominique Cordellier, co-commissaire de la captivante exposition « Le masque, mascarades, mascarons », présentée au musée du Louvre.

« Le masque, mascarades, mascarons » évoque la fonction paradoxale du masque, qui consiste à la fois à se dérober et à produire un double.

En Occident, depuis la Haute Antiquité, les hommes se cachent derrière des masques. Aujourd’hui, l’intérêt qu’on lui porte est d’autant plus grand qu’on ne l’utilise plus que rarement, sauf à parler de soins esthétiques et de produits cosmétiques ! Ou de casques de moto (et celui de vélo ? J’aurais du poser la question!).

Cinq thèmes servent de fil conducteur au parcours : le théâtre antique, la mort, le masque de la Gorgone, le mascaron (pièce décorative) et l’illusion.

Le masque occupe une place prépondérante dans le théâtre antique. Dionysos, seul dieu de la mythologie représenté de face, est né deux fois, de la mortelle Sémélé, froudroyée enceinte par son amant et de Zeus, qui recueille le foetus dans sa cuisse, où il finit sa gestation. A Athènes les fidèles dionysiens lui rendent hommage dans un festival de quatre jours : procession de la statue de Dionysos du temple jusqu’au théâtre, où se jouent ensuite trois tragédies, un drame satyrique, et des comédies. Le masque et sa couleur permettent d’identifier immédiatement l’acteur : le masque ne cache pas, il incarne.
Sont à observer notamment dans cette section Putti jouant avec des masques du drame satyrique et de la comédie d’Andrea Mantagna (vers 1480) et Huit putti portant des demi-masques et dansant une moresque [danse d’épée pratiquée à l’arrivée du printemps pour chasser les sombres esprits de l’hiver] (vers 1560) de Giovanni Battista Bertani.

Aux XVIe, XVIIe, XVIIIe siècle, les acteurs se dissimulent également sous un masque, que ce soit au carnaval, au bal, au théâtre ou à l’opéra. Le masque de carnaval est transgressif et libératoire; il permet à son porteur des actes impensables à visage découvert. Le théâtre de la comédie italienne est évoqué ici à travers la truculente peinture Les deux carrosses de Claude Gillot et deux dessins préparatoires. A découvrir aussi les figures masquées de l’atelier de Primatice (Francesco Primaticcio, dit).

Ensuite, des masques funéraires de la période phénicienne (IIe, IIIe siècle) font face à des interprétations de la Gorgone, cet être ailé à la face monstrueuse et à la chevelure serpentiforme, qui peut faire périr ceux qui soutiennent sa vue. Une des trois Gorgones, Méduse, est décapitée par le héros athénien Persée, qui, sur les conseils d’Athéna, s’aide de son bouclier comme miroir pour éviter de croiser le regard mortel. Sa tête finit en ornement sur l’égide d’Athéna et devient ainsi le premier motif ornemental de mascaron.

Le mascaron transforme le visage humain pour le plier vers l’arabesque, le décor végétal, les formes hybrides, créant une « bizarrerie » qui s’intègre dans l’architecture et le décor.

L’illusion créée par le masque est abordée à travers ses représentations allégoriques (mensonge, fraude, commerce amoureux, hérésie) et dans la vie mondaine, illustrée par Charles Le Brun, J. H. Fragonard (L’Arioste écrivant), Delacroix (Copie d’après des Caprices de Goya), Victor Hugo (Femme masquée retenant son manteau), les Goncourt (Notes d’un voyage en Italie) …

C’est le genre de petite exposition que j’affectionne. Le propos est pointu – pour ces trois mini salles d’exposition, pas moins de quarante-quatre chercheurs ont été assignés ! – sans entrer dans des arcanes obscures ; les oeuvres sont rares, esthétiques et agencées de manière intelligente.

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