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Le monde enchanteur de UEMURA Atsushi

UEMURA Atsushi, Clair de lune, 1985. Tableau à encadrer, polychrome sur papier, 178 x 225 cm. Royal Takamatsu Country ClubOiseaux de brume, oiseaux de lune

Jusqu’au 22 décembre 2007

Espace des Arts Mitsukoshi-Etoile, 3 rue de Tilsitt 75008, 01 44 09 11 11, 6€

Après la peinture Nihon-ga, l’Espace des Arts Mitsukoshi-Etoile nous fait découvrir la peinture de Fleurs et d’oiseaux – Kachôga-ga, à travers les oeuvres de UEMURA Atsushi (né en 1933). Une exposition à la fois forte et apaisante.

UEMURA Atsushi, Chant des oies sauvages, 1988. Tableau à encadrer, polychrome sur papier, 223 x 181 cmUEMURA Atsushi a récemment été élu membre de l’Académie des Arts du Japon pour Le chant des oies sauvages (1988). Une oeuvre bouleversante à découvrir dans cette exposition qui a la finesse de présenter les différentes étapes du travail de recherche de l’artiste. En effet, la première salle donne à voir les oeuvres « brouillons » de l’artiste, qui montre comment il tâtonne dans son cheminement artistique et dans sa quête personnelle de l’idéal du Shin-Zen-Bi (le Vrai, le Bien, le Beau).

La question essentielle qui taraude l’artiste consiste à savoir comment représenter le « blanc superflu » (yohaku) inhérent à la peinture traditionnelle japonaise. Cet espace vierge, cette surface a priori vide, qui dégage pourtant une vitalité propre, indépendante de la peinture.
UEMURA Atsushi, Printemps sur le marais, 1958. Tableau à encadrer, polychrome sur papier, 130,3 x 89,4 cm. Musée Shôhaku Comment représenter une étendue d’eau, sans passer par la représentation figurative des distances s’interroge-t-il dans Printemps sur le marais (1958)? Comment représenter la consistance d’un espace non figuratif se demande-t-il dans Chouette (I et II, 1959)?

UEMURA Atsushi, Matin, 1959. Tableau à encadrer, polychrome sur papier, 112 x 162 cm. Yamatane Corp.La réponse vient à l’artiste quinze ans plus tard! Dans la fraîcheur d’une matinée de 1974, alors qu’UEMURA s’en va cueillir des herbes pour nourrir ses faisans, il longe une rizière gorgée d’eau, d’où percent les premières pousses de riz. Soudain, son regard croise trois vanneaux à tête grise se reposant sur ce champ inondé, où se réfléchit une lumière étincelante à travers les brumes matinales. De retour à son atelier, l’artiste reproduit instantanément la scène, appelée si sobrement Matin. Lorsqu’il achève son oeuvre, l’artiste sait qu’il est parvenu à représenter l’immatériel du yohaku. Il a enfin trouver la réponse à son dilemne. Et cette réponse passe par l’émotion qu’il a ressenti devant cette incarnation de la Nature.

UEMURA Atsushi, Pigeon au printemps, 1992. Tableau à encadrer, polychrome sur papier, 91 x 73 cm. Musée OmatsuCar, pour UEMURA, les oiseaux sont une manifestation révélée de la Nature. « Les oiseaux peints sont en quelque sorte des avatars ou des incarnations de nous autres, hommes. L’espace où ils évoluent est le même espace que celui dans lequel vous venez aujourd’hui devant ces toiles, le même espace où circule le souffle de la vie. Voila pourquoi ces oiseaux vous paraissent si familiers », explique-t-il.

Ce petit homme (physiquement) mais d’une grandeur spirituelle incomparable élève quelques 1.600 spécimens de près de 260 espèces d’oiseaux dans un parc. On le dit inventeur de l’ornitologie moderne. L’artiste partage ainsi le quotidien de ces oiseaux, puis travaille sur croquis, avant de réaliser ses oeuvres. Lorsqu’il peint un oiseau, il devient cet oiseau. Lorsqu’il représente un arbre, il est cet arbre.

UEMURA Atsushi, Au bord de l'eau I, 1992. Tableau à encadrer, polychrome sur papier, panneau  de 112 x  162 cm. Musée national des Beaux-Arts d'OsakaIl faut reconnaître qu’UEMURA a baigné dans le respect de la nature et l’élevage des oiseaux dès sa plus jeune enfance. En effet, son père (UEMURA Shôkô, 1902-2001) était lui-même peintre de kachô-ga, et lui demandait de l’aider autant à nourrir leurs volailles et autres bêtes que de préparer les pigments de minéraux (matériaux utilisés dans la peinture nihon-ga), qui donnent cet aspect pur et étincelant aux oeuvres traditionnelles japonaises.
Sans oublier, la grand-mère paternelle d’Atsushi (UEMURA Shôen, 1875-1949), également peintre bien que dans un registre différent – celui du bijin-ga, la représentation des Belles du Japon, leur force de caractère, leur courage, leur puissance de vivre autant que leur beauté plastique.

UEMURA Atsushi, Oiseaux batifolant dans la neige, 1993. Tableau à encadrer, polychrome sur papier, 91 x  116 cm. Musée OmatsuUne telle lignée de peintres éminents ne pouvait qu’engendrer un descendant artistique, cumulant sensibilité émotionnelle et rigueur scientifique – il faut parfaitement maîtriser les propriétés chimiques des minéraux pour pouvoir les assembler et obtenir le résultat escompté – dans la représentation de la Nature.
Au-delà de son étincellement esthétique, l’art d’UEMURA dévoile une peinture intimiste, qui apporte sérénité et émotion pure à celui qui la regarde.

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