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La beauté de Paris par son quotidien

William Eggleston, Paris

Jusqu’au 21 juin 2009

[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Exposition-BEATRIZ-MILHAZES–WILLIAM-EGGLESTON-BMWE.htm]

Fondation Cartier pour l’art contemporain, 261, bd Raspail 75014, 6,50€

Au cours de trois séjours parisiens, le photographe américain William Eggleston (né en 1939 à Memphis, Tennessee) a capturé pour la Fondation Cartier une série de photographies qui révèle le pittoresque de la ville. Non pas par ses monuments historiques, qui attirent les touristes du monde entier. Mais par une esthétique du quotidien, si révélatrice de la démarche de l’artiste. Dans la lignée de Henri Cartier-Bresson, Eugène Atget, William Eggleston rend hommage à Paris. En couleur.

A l’opposé du cliché de la ville-musée, la capitale révèle son urbanité sous l’objectif atypique de W. Eggleston, réputé pour avoir photographié le monde entier, en particulier le Sud des Etats-Unis.

L’artiste est considéré comme l’un des pères de la photographie couleur, grâce à John Szarkowski, directeur du département photographie du MoMA, qui organise l’une des premières expositions personnelles de l’institution dédiées à la photographie couleur (1976). Evénement qui marque l’histoire de la photographie, celle-ci étant jusqu’alors uniquement considérée comme un medium à des fins commerciales.
William Eggleston débute sa carrière à Memphis où il vit toujours, après avoir découvert l’oeuvre de Cartier-Bresson et Walker Evans.

Sa démarche consiste à cadrer au plus près des sujets anonymes (mendiante avec son enfant sur les marches conduisant au métro Bastille), des tags sur les murs, des pancartes amusantes (« Pigeon frit croustillant/Tripes de porc frites croustillant » dans le quartier chinois), des situations insolites (enfants jouant sous des jets d’eau, devant un panneau l’interdisant strictement au parc André Citroën), des reflets de lumière naturelle ou électrique, des jambes, des mains, des pieds tronqués de leur contexte.

Adepte de la prise de vue unique, l’artiste saisit sur l’instant son sujet et fait ressortir par son sens du détail, l’incongruité, le trivial des réalités urbaines.
W. Eggleston avait déjà réalisé pour la Fondation Cartier, les séries Déserts (2000) et Kyoto (2001).

En parallèle, l’exposition présente quelques-unes de ses peintures/dessins abstrait(e)s, encore jamais exposé(e)s publiquement. Ces oeuvres de tout petit format reflètent la passion de l’artiste pour la musique, notamment pour Jean-Sébastien Bach dont la rythmique structurée se retrouve sur ses papiers dans l’agencement de traits de couleur. W. Eggleston traduit ainsi son attachement pour Wassily Kandinsky, qui avait étudié le lien entre peinture et musique.

La scénographie de l’exposition met en valeur les deux pans du travail de l’artiste. Avec, à l’accueil, un sublime piano Yamaha et un pan de mur sur lesquel sont inscrits les différents lieux visités par W. Eggleston pour ses prises de vue. Puis viennent d’un côté les photos – oeuvres figuratives -, aux teintes douces, floutées, sobrement encadrées. Auquel fait face son travail abstrait plus coloré.

L’étage de la Fondation qui donne sur le jardin et la ville est garni des motifs éclatants de l’artiste brésilienne Beatriz Milhazes (née en 1960 à Rio de Janeiro). Ses peintures font la synthèse entre divers courants artistiques européens et brésiliens. B. Milhazes développe un processus créatif dans lequel, selon elle, « la culture mange la culture ».

A l’instar de son confrère nord-américain exposé au sous-sol de la Fondation, B. Milhazes s’intérese au rapport entre peinture et musique. L’opéra mais aussi la musique locale populaire (bossa nova, tropicalia) lui inspirent des chorégraphies picturales spontanées.

Pour obtenir ses palimpsestes bigarrés, l’artiste peint des motifs sur une feuille de plastique transparent. Ils sont ensuite transférés sur la toile, se superposant plus ou moins bien – certains se déchirent – et offrent une combinaison infinie de formes et de couleurs. Mes préférés sont ceux de la salle de droite, en entrant dans la Fondation, et les adhésifs collés aux vitres de cette même pièce. A voir en faisant le tour de la Fondation par le jardin « sauvage ».

Deux regards neufs, étrangers, qui nous offrent une vision autre de Paris. Un souffle d’oxygène regénérant.

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