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La collection de Cézanne du Courtauld Institute of Art

The Courtauld Cézanne

Jusqu’au 5 octobre 2008
The Courtauld Institute of Art, Somerset House, Strand, London WC2R, + 44 (0) 7848 2526, £5 (Gratuit tous les lundis entre 10h et 14h).

Petit break londonien pour voir la première exposition de l’ensemble des toiles de Cézanne détenu par le Courtauld Institute of Art. L’institution en détient plus que tout autre en Angleterre et excelle à décrypter la technique de cet impressionniste français (1839-1906), considéré comme le père de l’art moderne.


The Courtauld Cézanne propose deux angles d’approche pour cerner au mieux ce qui a distingué l’artiste de ses contemporains impressionnistes. Une analyse de l’intérieur et de l’extérieur qui permet d’apprécier les dessins préparatoires aux côtés des huiles, avec comme point d’orgue les lettres échangées entre Cézanne et le peintre Emile Bernard (1868-1941), sur leur technique picturale. L’ensemble, complété par des cartels descriptifs pour la vingtaine d’oeuvres exposées, offre une vision, certes pédagogique, mais éclairante sur une oeuvre bien plus complexe qu’il n’en paraît.

Les critiques de l’époque n’ont guère compris l’art de Cézanne. Il est vrai que l’artiste, en rupture avec la tradition académique, ose appliquer au couteau la couleur en couche épaisse.  Afin de créer, comme dans L’Etang des soeurs, Osny près de Pontoise (vers 1875), un feuillage dense, agité par le vent. Un mouvement rendu grâce aux diagonales de la composition.

Faute de succès à Paris, Cézanne s’installe dans la maison familiale qu’il a hérité de son père à Aix-en-Provence (Le Jas de Bouffan). C’est là qu’il peint La Montagne Sainte-Victoire – un motif récurrent et symbolique. Car elle annonce la reconnaissance du peintre.

L’une de ses premières versions, celle avec le grand pin (vers 1887) est ici exposée aux côtés de son esquisse préparatoire. L’aquarelle représente la montagne s’élevant majestueusement au centre de la composition. Les contreforts et les buissons du premier plan sont évoqués par des teintes répétitives, qui organisent l’espace. Elles se détachent sur un fond blanc, qui, lui, permet d’unifier l’ensemble dans une grande sérénité.
La version à l’huile présente une composition identique avec en premier plan un grand pin dont les branches au vent trace le contour de la montagne. L’atmosphère intemporelle du paysage est contrebalancé par un élément de modernité: l’intrusion d’un viaduc ferré. Cette oeuvre, qui a suscité l’incompéhension du public lorsqu’elle a été exposée en 1895, a au contraire enthousiasmé le poète Joachim Gasquet. Touché, Cézanne signe son oeuvre et la lui offre. Ce qui a alerté les critiques qui ont commencé à s’intéresser à la technique révolutionnaire du peintre.

L’ensemble des oeuvres exposées partage le même sentiment d’être hors du temps.
Sa nature morte du Pot de Primevères et fruits (vers 1888-90) présente un arrière-plan complexe qui trompe le semblant de simplicité de la composition. Sur la droite, des barres en bois semblent indiquer le châssis d’une toile mais elles se dissolvent, sur la gauche, dans un fond bleuté. L’artiste crée volontairement ce trouble pour indiquer au spectateur qu’il n’est pas devant la représentation d’un espace réel. Et l’incite ainsi à se focaliser sur le rôle que joue la couleur et les formes dans la composition.

De la même manière, dans Le Lac d’Annecy (1896), l’artiste ne représente pas la vue pittoresque du lieu. Il se concentre sur la composition, soutenue par les arbres du premier plan qui encadre la vue du lac jusqu’au château de Duingt. La scène est structurée par un effet d’emboîtement de bandes de couleur verticales et en diagonale. L’effet recherché par l’artiste est de créer une « harmonie parallèle à la nature ».

Théorisant sa pratique, Cézanne écrit à son protégé E. Bernard d’appréhender la nature en termes de « cylindre, de spère, et de cône ». Un principe qui mènera au mouvement de l’abstraction au XXème siècle.

Quant aux personnages, comme la future Madame Cézanne ou le joueur de cartes que l’on retrouve dans L’Homme à la pipe (1892/93) – à l’origine, probablement le jardinier local -, ils se distinguent par leur monumentalité et leur rusticité. Deux qualités qui ont trait, pour l’artiste, à la nature.
« J’aime par dessus tout l’apparence des gens qui vieillissent sans rejeter leurs vieilles habitudes », écrit Cézanne.

La collection du Courtauld a été rassemblée dans les années 1920-30 par l’un des premiers collectionneurs de Cézanne, Samuel Courtauld (1876-1947) à une époque où le public anglais considérait l’impressionniste français avec suspicion. Mais S. Courtauld, comme plus tard le comte Antoine Seilern (1901-1978) qui a légué ses Cézanne à l’institution londonienne, a toujours ressenti et vénéré « la magie de Cézanne ». Une aubaine pour le Courtauld Institute, à qui il ne manque que les nus de Cézanne. L’artiste a pourtant représenté pas moins de 200 baigneurs et baigneuses. Pudeur britannique oblige?

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