Un sculpteur pour l’Empire

Jean-Baptiste Carpeaux (1827-1875) Autoportrait dit aussi Dernier Autoportrait Huile sur toile, 41 x 32,5 cm Paris, musée d’Orsay, RF 1961 29 © RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Hervé LewandowskiJean-Baptise Carpeaux (1827-1875)

Jusqu’au 28 septembre 2014

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Musée d’Orsay, 1 rue de la Légion-d’Honneur, Paris VII

Le musée d’Orsay revient sur l’oeuvre du sculpture romantique Jean-Baptise Carpeaux, dont aucune rétrospective n’avait été présentée depuis celle du Grand Palais en 1975. L’accent est mis sur les groupes réalisés par Carpeaux, traités depuis leurs croquis jusqu’à la fonte en bronze, en passant par les esquisses en terre cuite ou en plâtre.

Fils d’un maçon et d’une dentellière de Valenciennes, Carpeaux échappe à sa condition sociale et s’offre une carrière impériale, liée au règne de Napoléon III. L’intensité de son destin n’a d’égal que la brièveté de sa carrière (il meurt d’un cancer à l’âge de 48 ans). Il incarne à ce titre le parfait exemple de l’artiste romantique, tourmenté et maudit.

Sculpteur du mouvement, excellent portraitiste, dessinateur de la cour des Tuileries autant que fin observateur de ce qui se passe côté rue, peintre singulier, Carpeaux produit un corpus protéiforme et pose le socle de la sculpture moderne.

« Admirateur sensible de Michel-Ange, il oscille sans cesse entre une sombre mélancolie et une quête fébrile d’expressivité, modelant, selon les mots de son ami Alexandre Dumas fils, ‘plus vivant que la vie' », commente Edouard Papet, commissaire de l’exposition (conservateur en chef au musée d’Orsay).

Carpeaux s’installe à Paris en 1838. Il intègre l’Ecole des Beaux-Arts et s’inscrit comme élève de François Rude, figure du Romantisme, sculpteur de la Marseillaise de l’Arc de Triomphe. Mais c’est grâce à l’enseignement de Francisque Duret qu’il obtient le grand prix de Rome avec Hector implorant les dieux en faveur de son fils Astyanax (1854).

Jean-Baptiste Carpeaux (1827-1875) Pêcheur à la coquille, 1861-1862 Marbre, 92 x 42 x 47 cm Washington, D.C., The National Gallery of Art, Samuel H. Kress Collection, inv. 1943.4.89 Image courtesy of the National Gallery of Art, WashingtonA l’Académie de France, située dans la Villa Médicis à Rome, il se lie d’amitié avec Alexandre Falguière. Il découvre Michel-Ange qu’il vénérera tout au long de sa carrière. Parallèlement, la vie du peuple italien lui inspire de nombreuses études sur le vif. Carpeaux se fait connaître du public roman et parisien avec son envoi de deuxième année : Pêcheur à la coquille.

Ugolin, dit aussi Ugolin et quatre enfants (détail), 1862 Bronze fondu par Victor Thiébaut, 194 x 148 x 119 cm Paris, musée d’Orsay © RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Jean SchormansEn quatrième année, il modèle un groupe tiré du chant XXXIII de l’Enfer de Dante : Ugolino della Gherardesca, tyran de Pise au XIIIe siècle, condamné par son rival, l’archevêque Ruggiero Ubaldini, à être muré vivant avec ses fils et petits-fils dans une tour. Il y dévore sa descendance avant de mourir de faim. Le groupe du sculpteur combine la « terribilità dantesque à l’inspiration michelangélesque », précise le commissaire. Mais l’oeuvre ne séduit pas l’Académie, à la grande déception de Carpeaux.

Le Triomphe de Flore, dit aussi Flore Grand modèle plâtre, 151 x 180 x 46 cm Paris, musée d’Orsay, RF 1951 © RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Hervé LewandowskiIl prendra sa revanche en 1864. L’artiste obtient la commande du décor du couronnement de la façade sud du pavillon de Flore au musée du Louvre (côté Seine). Sa composition prône une figure en saillie, qui déplaît à l’architecte en charge, Hector Lefuel. Car elle rompt avec la tradition d’inféodation de la sculpture décorative à l’architecture. L’arbitrage de l’empereur est demandé ; Carpeaux obtient gain de cause. Dévoilé en 1866, l’ensemble du décor consacre enfin sa célébrité.

S’il n’est pas le sculpteur officiel de Napoléon III, il est apprécié du couple impérial. L’artiste représente l’impératrice Eugénie sous les traits de la Vierge Marie (Notre-Dame du Saint-Cordon). En outre, il est autorisé à représenter le prince héritier, à qui il donne des leçons de dessin et de modelage. La souveraine souhaite un buste, Napoléon une statue en pied ; Carpeaux s’attelle aux deux oeuvres en 1865. « Ma statue du prince impérial sera une belle empreinte des temps modernes pour l’avenir, j’y mets tout mon savoir, toute ma vie ; ce sera un échelon de ma gloire ».

Le Prince impérial et le chien Nero, 1866 Marbre, 140,2 x 65,4 x 61,5 cm Paris, musée d’Orsay, RF 2042 © RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Michel UrtadoDe fait, le succès est au rendez-vous. Le sculpteur réalise très vite des réductions dont les droits sont rachetés par la maison impériale.  L’effigie du prince devient un objet de propagande. Une variante en bronze argenté, sans Nero (le chien de l’empereur) mais tenant à la place un chapeau à la main, est réalisée pour l’Hôtel de Ville. Elle sera détruite dans l’incendie de 1871.

La Danse Modèle plâtre original, 232 x 148 x 115 cm Paris, musée d’Orsay, RF 818 © Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand Palais / Patrice SchmidtA Paris, Carpeaux réalise encore, après moult péripéties, La Danse incorporée au fronton de l’Opéra Garnier et la fontaine de l’Observatoire. A Valenciennes, qui lui a donné une bourse pour venir étudier à Paris, il offre une statue de Watteau.

L’ensemble est complété par les portraits peints – l’artiste ne cesse de pratiquer la peinture en même temps que la sculpture – de ses contemporains, de lui-même et de sa famille.

Exhaustive, l’exposition bénéficie d’une scénographie originale au sein de la nef du musée (plus salle 18), qui permet de bien tourner autour des oeuvres. Leur regroupement par thème apporte clairvoyance et recul par rapport à l’ensemble de l’oeuvre de Carpeaux.

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