Splendeurs et misères

ean Béraud (1849-1935) L’Attente, 1880 Huile sur toile, 56 x 39,5 cm Paris, musée d’Orsay © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Franck RauxImages de la prostitution, 1850-1910

Jusqu’au 17 janvier 2016

[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Exposition-MUSEE-D-ORSAY—ENTREE-JOURNEE-ORSAY.htm]

Catalogue de l’exposition : 

Musée d’Orsay, 1 rue de la Légion-d’Honneur, Paris 7e

Après « Attaquer le Soleil » et les fantasques du marquis de Sade, le musée d’Orsay vise encore en-dessous de la ceinture avec une exposition sur les images de la prostitution aux XIXe et XXe siècles ! De fait, Baudelaire & co. voient en l’acte d’amour tarifé un sujet moderne à explorer…

Il est vrai que la prostitution est omniprésente dans la société parisienne du Second Empire à la Belle Epoque. Grâce aux media naissants – photographie puis cinéma – les artistes tentent de représenter cet univers protéiforme.

Réglementé et considéré comme un « mal nécessaire », les maisons closes fascinent plusieurs générations de peintres, de Constantin Guys, Edgar Edgas, Henri de Toulouse-Lautrec, Emile Bernard jusqu’à Pablo Picasso.

Giovanni Boldini (1842-1931) Scène de fête au Moulin Rouge, vers 1889 Huile sur toile, 96,5 x 104,4 cm Paris, musée d’Orsay © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

Mais loin de se cantonner à ces lieux qui promettent initiation volupté et transgression, la prostitution envahit l’espace public. Sur les boulevards [Louis Valtat, Sur le Boulevard (La Parisienne), 1892], au théâtre et même à l’Opéra (Henri Gervex, Bal masqué à l’Opéra, 1873) !

 Jean-Louis Forain (1852-1931) Derrière les coulisses, 1885 Crayon, encre de chine, plume, 25,3 x 38,5 cm Paris, musée d’Orsay © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Adrien Didierjean

Moins encadrés que les maisons de tolérance, les cafés (Edgar Degas, Femme à la terrasse d’un café le soir, 1877), brasseries à femmes et cafés-concerts (Giovanni Boldini, Scène de fête au Moulin Rouge, vers 1889) en profitent pour devenir des lieux de prostitution. Edouard Manet, Edgar Degas, Vincent Van Gogh y trouvent leurs modèles, en proie à l’ivresse mélancolique (Félicien Rops, La Buveuse d’absinthe, dernier quart du XIXe siècle et E. Degas, L’Absinthe, 1875/76).

Edgar Degas (1834-1917) L’Absinthe, 1875-76 Huile sur toile, 92 x 68,5 cm Paris, musée d’Orsay © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

Il devient difficile de distinguer les femmes honnêtes des vénales, qui entretiennent l’ambiguïté, les deux se retrouvant inculpées sur les mêmes bancs, comme l’illustre Jean Béraud dans La Salle des filles au Dépôt (1886).

Au sommet de l’échelle, les courtisanes (Amaury-Duval, Marie-Anne Detourbay, dite Mademoiselle Jeanne de Tourbay, comtesse de Loynes, 1862) – « étoiles de la haute prostitution » – manifestent leur réussite sociale en commandant des portraits peints, sculptés ou photographiques. Le luxe de leurs toilettes et de leur hôtel particulier brouille les frontières entre monde et demi-monde. Elles fascinent les jeunes actrices et danseuses. Autant que les dames de la haute société qui jalousent ces femmes entretenues et donnent le la en matière de mode. Par conséquent, à la fin du XIXe siècle, dans l’imaginaire symboliste, toute femme devient forcément fatale et incarne tous les vices, menaçant en sus la domination masculine !

Henri Gervex (1852-1929) Rolla, 1878 Huile sur toile, 175 x 220 cm Bordeaux, musée des Beaux-Arts, dépôt du musée d’Orsay © Musée d'Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

C’est précisément ce monde interlope, à la fois lugubre et coloré, qui nourrit la peinture moderne du début du XXe siècle et inspire des oeuvres originales à Edvard Munch, Frantisek Kupka, Georges Rouault, Maurice de Vlaminck, Kees Van Dongen et Pablo Picasso.

Après un bon début de parcours, l’exposition s’enlise dans les portraits, photographies et scènes filmées licencieuses (deux salles au rideau rouge sont interdites au moins de 18 ans). Il n’y a que la dernière partie qui offre de belles surprises, dont des oeuvres méconnues de Picasso [Femme assise au fichu (La Mélancolie), 1902]. Au final, mieux vaut être motivé par le sujet pour s’y rendre !

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