Picasso raconté par son marchand d’art, Heinz Berggruen

Nature morte devant une fenêtre à Saint-Raphaël, 1919 - (c) Succession Picasso 2006 - Staatliche Museen zu Berlin, Nationalgalerie, Museum BerggruenPicasso-Berggruen, Une collection particulière

Jusqu’au 8 janvier 2008
Musée Picasso, Hôtel Salé, 5 rue de Thorigny 75003, Réservations: 08 92 68 46 94

Pour inaugurer sa série d’expositions « collections particulières », le musée Picasso rend hommage à Heinz Berggruen – le plus grand collectionneur privé du « génie du siècle ».

En échange de bon procédé, le musée Berggruen à Berlin accueille dans le même temps « Picasso, dessins », grâce aux oeuvres du musée Picasso à Paris.

Un collectionneur passionné

Guillaume Apollinaire, employé de banque, 1905 - (c) Succession Picasso 2006 - Staatliche Museen zu Berlin, Nationalgalerie, Museum Berggruen Durant 30 ans, Heinz Berggruen (né en 1914, à Berlin) tient une galerie d’art moderne au 70, rue de l’Université (Paris 7ème). Il devient le représentant incontournable de Picasso, mais également de Paul Klee, Henri Matisse, Alberto Giacometti, Joan Miro, Georges Braque, Ferdinand Léger, Wassily Kandinsky, et Henri Laurens. Sans oublier, la publication du catalogue raisonné de Juan Gris.

Marchand d’art et son « propre client »

H. Berggruen se réserve les meilleures oeuvres de ses protégés pour sa collection particulière. Dans un entretien avec Beaux-Arts Magazine (mars 1991), il confie: « Seule m’intéresse la grande musique. Parfois il a fallu que je vive avec une oeuvre pour réaliser qu’elle était d’une telle qualité que j’aurais eu tort de m’en défaire. Au fond, je crois que j’ai été mon meilleur client. Chaque fois qu’une chose me paraissait, à tort ou à raison, exceptionnelle, je faisais tout pour la garder pour moi ».

Nu assis les bras levés, 1972 - (c) Succession Picasso 2006 - Staatliche Museen zu Berlin, Nationalgalerie, Museum BerggruenDe fait, la collection de Heinz Berggruen fourmille d’oeuvres magnifiques, qui couvrent tous les styles picassiens. Des premières esquisses (cf. Feuille d’Etudes, 1897), lorsque l’adolescent de 16 ans, reçu à l’Académie royale de San Fernando de Madrid, croque avec humour les scènes des parcs et de cafés, à son dernier grand dessin, Nu assis aux bras levés (1972), réalisé à l’âge de 91 ans. Ou encore la peinture aux rouges et bleus éclatants du Matador et femme nue (1970).

Trois périodes se distinguent dans cette collection, forte de plus de 150 oeuvres, sculptures et documents de Picasso.

Buste de femme nue (Etude pour Les Demoiselles d'Avignon), 1907 - (c) Succession Picasso 2006 - Staatliche Museen zu Berlin, Nationalgalerie, Museum BerggruenLe protocubisme (1906-08) est marqué par l’abandon du maniérisme de ses périodes bleue et rose. Influencé par la sculpture ibérique lors de son séjour à Gosol, Picasso adopte un style aux formes solides, volumineuses et simplifiées. Encore plus marqué par l’art africain, que Picasso découvre au musée des arts primitifs au Trocadéro, le peintre développe un nouveau langage pictural, symbolisé par les deux figures de droite des Demoiselles d’Avignon (1907, Museum of Metropolitan Art). Deux créatures féminines foncièrement différentes des trois premières, que Alfred H. Barr – directeur fondateur du MoMa – compare à « un champs de bataille où essais et tentatives livrent combat » (1939).

La période cubiste est annoncée par Deux maisons sur une colline (1909, Collection Berggruen), qui rend hommage à Cézanne. « Si je connais Cézanne! », s’écrie Picasso, « Il était mon seul et unique maître. Vous pensez bien que j’ai regardé ses tableaux, j’ai passé des années à les étudier. Cézanne! Il était notre père à nous tous! C’est lui qui nous protégeait » (in Qui était Juan Népomucène Ruiz?, de H. Berggruen, Paris, Christian Bourgeois Editeur, 2002).
A l’inverse, Ma Jolie (1914) représente une oeuvre du cubisme tardif. Il s’agit d’une déclaration d’amour de Picasso à Marie-Thérèse Walter, morte prématurément en 1915, et qui précéda l’autre grand amour du génie, Dora Maar.

Dora Maar – dernier filon de cette collection particulière. Elle fut la compagne de Picasso des années fascistes à l’occupation allemande. Femme intelligente, difficile, mais remplie de charme. « Dans son regard, on sent que c’était quelqu’un qui voyait beaucoup », explique H. Berggruen à Pierre Daix, spécialiste de Picasso et ancien rédacteur en chef des Lettres françaises (in Entretien avec Heinz Berggruen). Des yeux plus grands que nature, que l’on peut observer dans Dora Maar aux ongles verts (1936) ou dans le Grand Nu couché (1942), dont les yeux traduisent la tristesse de l’humanité.

Une petite exposition émouvante qui suggère – plus qu’elle ne décortique – la vie et l’oeuvre exceptionnelle de Picasso, à travers les souvenirs pointus de Heinz Berggruen. Cette approche intelligente présente le mérite de la concision tout en laissant libre cours à l’imagination du visiteur pour se laisser subjuguer par la magie de l’oeuvre picassienne.

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