Un univers instable

Cellules [Cells,] 2012-2013 © Courtesy of the artist and Galerie Chantal Crousel, Paris © Photo Sébastien NormandMona Hatoum

Jusqu’au 28 septembre 2015

[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Musee—Exposition-BILLET-MUSEE—EXPOSITIONS-PIDOU.htm]

Catalogue de l’exposition : 

Centre Pompidou, Niveau 6, Galerie 1, Paris 4e

Entre humour léger et profonde mise à l’épreuve du spectateur, l’oeuvre de Mona Hatoum (née en 1952 à Beyrouth), exposée au Centre Pompidou, décoiffe !  

Mona Hatoum a quitté son pays natal en 1975 pour un court séjour à Londres, lorsque la guerre éclate au Liban. L’aéroport ayant été détruit, elle est contrainte à l’exil. Cette expérience forte de déracinement, lié à une situation géopolitique subie, marquera profondément l’artiste.

Comme en atteste la plupart de ses oeuvres. A commencer par la première salle de l’exposition, « sorte d’autoportrait de l’artiste », commente Christine Van Assche, commissaire de l’exposition, amusée de nos têtes à la découverte du travail de M. Hatoum !

Son visage apparaît dans Over my dead body (1988—2002), grande image au format de panneau publicitaire où elle apparaît de profil, l’air renfrogné, avec sur le nez un soldat miniature en plastique. La distorsion des proportions met à mal un symbole de virilité. Humour féministe que l’on retrouve dans Keffieh (1993/99) : l’artiste a tissé des mèches de cheveux de femme dans un couvre-chef traditionnel arabe, perturbant ainsi un symbole de domination masculine et l’ordre établi.

ver My Dead Body, 1988-2002 © Courtesy of the artist © Photo Courtesy Galerie Max Hetzler, Berlin | Paris [photo Jörg von Bruchhausen]

Over my dead body fait face à une cage en fer forgé (Cube, 2006), qui fait appel à une technique ancienne d’entrelacs, utilisée pour barrer les fenêtres au Moyen-Age. Sentiment que l’artiste a du ressentir lorsqu’elle s’est retrouvée bloquée à Londres.

Cet ancrage dans un contexte géopolitique donné est encore évoqué dans Present Tense (1996/2011), composé de 2.200 pains de savon à l’huile d’olive, fabriqué traditionnellement dans la ville de Naplouse (au nord de Jérusalem). Des perles de rocaille en verre rouge, incrustées dans les savons, dessinent le tracé des frontières définies par les accords d’Oslo entre Israël et les Palestiniens (1993). Les lignes de perle délimitent les territoires qui devaient être restitués à l’Autorité palestinienne mais qui apparaissent ici comme des îlots isolés.

Les cartes du monde sont une thématique récurrente dans l’oeuvre de Mona Hatoum. On la retrouve dans Bukhara (red and white) ; 2008], tapis sur lequel sont tissés les continents selon la projection de Peters, qui donne à voir les véritables proportions des masses émergées : les pays du Sud apparaissent, à l’inverse de notre vision familière, dominants par rapport aux régions du Nord.

Un peu plus loin, Map (clear), 2014, représente un planisphère à même le sol, réalisé à partir de billes de verre aussi claires que du cristal. Les billes, non fixées au sol, sont amenées à bouger avec les vibrations et les mouvements des visiteurs. Une manière de montrer l’instabilité de notre monde et son danger puisque l’oeuvre pourrait même être détruite (in)volontairement.

Vision que l’on retrouve dans Hot Spot (2014), représentant une mappemonde en fer où les frontières des pays tracées à l’aide de néons rouges évoquent autant les conflits géopolitiques que le réchauffement climatique, de plus en plus menaçant.

Hot Spot, 2013 © Photo Courtesy The artist and Galerie Max Hetzler, Berlin | Paris [photo Jörg von Bruchhausen]

Sentiment que l’on retrouve dans Home (1999) : des ustensiles de cuisine sont rattachés les uns aux autres par un fil électrique et émettent un son strident, que l’on pourrait imaginer comme celui d’une chaise électrique. Cette scène faussement domestique est positionnée derrière une barrière de fils de fer, suggérant violence et emprisonnement.

Nomade, l’artiste crée des oeuvres au gré des commandes qu’on lui propose, ce qui l’amène à travailler tous les matériaux possibles, de son propre corps (cheveux, ongles, poils) aux matériaux industriels (fils de fer, limaille de fer, aimants, etc.). D’où la grande diversité du corpus.

J’ai beaucoup aimé le jeu de correspondances entre les oeuvres. Ainsi que le décalage entre la manière légère – mais parfois aussi rude (en particulier les vidéos de performance, difficiles à regarder pour les âmes sensibles) – et l’intensité des idées qui animent ses oeuvres. Je trouve que, pour une artiste contemporaine, Mona Hatoum sait très bien traduire plastiquement les messages engagés qu’elles veut transmettre !

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