Il faut constamment se battre pour voir ce qu’on a sous le nez (George Orwell)

Mitch Epstein, American Power

Jusqu’au 24 juillet 2011

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Fondation Henri Cartier-Bresson, 2 impasse Lebouis 75014

En 2003, suite à une commande pour le New York Times, le photographe américain Mitch Epstein  se rend à Cheshire dans l’Ohio. Un village complet doit être rasé pour cause de pollution. En dédommageant les habitants, la société responsable de la contamination du sol, l’American Electric Power, cherche à les faire déguerpir sans bruit et surtout sans engager de poursuite judiciaire s’ils tombaient malades…

Marqué par ce reportage, Mitch Epstein (né en 1952, à Holyoke, Massachusetts) se lance dans un vaste projet intitulé American Power – un tour photographique des États-Unis avec pour ligne conductrice l’énergie. Son mode de production, son utilisation, et ses doubles ramifications.

Entre 2003 et 2008, M. Epstein devient alors, selon ses propres termes, « un touriste de l’énergie ». Il photographie les sites de production énergétiques (charbon, pétrole, gaz naturel, nucléaire, hydroélectrique, pile à combustible, éolien et solaire) ou leurs environs.  Il veut faire prendre conscience de la corrélation entre la production et la consommation d’énergie, entre le corporatisme industriel et la problématique de l’environnement.

« J’ai fait de nombreux voyages pour photographier les répercussions sur le paysage de l’expansionnisme vers l’ouest. Dans les montagnes, les fleuves et les déserts avaient poussé des barrages, des centrales électriques, des autoroutes, des derricks et, çà et là, un champ de panneaux solaires ou d’éoliennes. Les prouesses techniques humaines avaient imprimé leurs marques dans la splendeur naturelle. Mais les pionniers n’imaginaient pas que leur rêve américain de confort matériel finirait par exiger plus d’énergie que le pays n’en pouvait fournir. Le Hoover Dam, par exemple, ce chef-d’oeuvre de l’ingénierie hydro-électrique des années trente, est aujourd’hui devenu l’emblème de la désertification. Quand on regarde la photo que j’ai prise du barrage, il est difficile de ne pas admirer la façon dont une société a voulu dompter l’indomptable, exploiter l’eau afin de permettre la croissance de l’Ouest américain. L’orgueil est manifeste dans la majestueuse architecture du barrage. Mais l’image du triomphe humain montre également la diminution du niveau du Lake Mead, ce qu’on a baptisé ‘le tartre dans la baignoire’. Ces traces blanches sont le résultat de dix années de sécheresse et de siphonnage de l’eau destinée aux hôtels de luxe et aux parcours de golf de Las Vegas. »

L’artiste a dû faire face à de multiples menaces et contrôles de la part des autorités américaines. En 2004, lors de prises de vues à proximité du Amos Coal Power Plant à Poca en Virginie Occidentale, l’artiste se retrouve entouré voire menacé par la police et des agents du FBI qui finissent par lui confisquer son matériel pour enquête. En Pennsylvanie, à Shippingport, un officier de police lui intime l’ordre de quitter la ville. Un appel anonyme avait dénoncé un homme qui se promenait avec ce qui semblait être un lance-missile mais qui était tout simplement le trépied du photographe. Il doit également faire face aux dérèglements climatiques comme le cyclone Katrina qui a balayé la Louisiane, la Nouvelle-Orléans et la plate-forme pétrolière du Golfe du Mexique.

« L’ouragan Katrina porta un coup très dur à mes projets si bien établis. À l’arrivée de la tempête, j’avais déjà prévu de me rendre en Louisiane pour prendre des photos des plateformes pétrolières offshore et des raffineries installées le long du golfe du Mexique. Six semaines après la catastrophe, j’allai voir les plateformes et ce qui restait de la ligne côtière. Déjà, avant l’ouragan, les scientifiques avaient démontré la corrélation entre la production d’énergie, le changement climatique et l’augmentation du nombre des catastrophes naturelles. Katrina était l’ultime symbole de notre échec en tant que société, de la rapacité de notre culture dont l’excès d’avidité avait conduit au désastre. La plateforme que je photographiai sur Dauphin Island en Alabama était un enchevêtrement à la dérive d’acier tordu et brisé. Elle évoquait ces mastodontes préhistoriques qui ont fini écrasés par plus grands qu’eux. »

Cependant, ce tour des États-Unis, réalisé sous l’ère Bush, ne constitue pas pour lui une charge contre le système américain ou ses dirigeants. Il s’agit plus de comprendre que de juger. « Je crois sincèrement que ce projet doit générer une discussion plus profonde et doit faire réfléchir les gens sur leur relation à l’énergie. » Et de conclure: « Ne pourrions-nous pas, nous Américains, tenir compte de nos devoirs envers la nature et envers les autres hommes, et pas seulement de nos droits individuels ? » Une question universelle, isn’t it?

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