De Miro à Warhol

Max Ernst, Coquilles-fleurs, 1929. Huile sur toile. Musée Collection Berardo, Lisbonne (c) DR / Adagp, Paris 2008La collection Berardo à Paris

Jusqu’au 22 février 2009

[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Exposition-DE-MIRO-A-WARHOL-BERAR.htm]

Musée du Luxembourg, 19, rue de Vaugirard 75006, 11€

La collection d’art moderne et contemporain de l’homme d’affaires portugais, José Berardo, figure parmi les plus importantes au monde. Une sélection de 75 oeuvres, datées de 1909 à 1984, est aujourd’hui présentée au musée du Luxembourg. Un angle délibérément didactique qui illustre l’entremêlement des différents mouvements artistiques du XXe siècle.


L’exposition « De Miro à Warhol » met en exergue les liens entre les divers courants depuis Picasso et les Surréalistes jusqu’à la Bad Painting en passant par le Pop Art, et le Nouveau Réalisme.

Elle propose un parcours en cinq sections, dont trois forment un ensemble cohérent (le Surréalisme, l’Abstraction d’entre les-deux-guerres, la confrontation entre le Pop Art et le Nouveau Réalisme). La première section s’attelle à montrer l’esprit de la collection en mettant en parallèle des oeuvres de manière inattendue. L’Américain Jackson Pollock (1912-1956) faisant face à P. Picasso (1881-1973), Francis Gruber (1912-1948) est mis en parallèle avec Eugène Leroy (1910-2000); le Portugais Amadeo de Souza Cardoso (1887-1918) se hisse au côté du Russe Nicolas de Staël (1914-1955) et Balthasar Klossowski dit Balthus (1908-2001) est mis en parallèle avec le Néerlandais Karel Appel (1921-2006).
Tom Wesselmann, Great American Nude #52, 1963. Emulsion et acrylique polymère sur carton avec des reproductions imprimées. Musée Collection Berardo, Lisbonne (c) DR / Adagp, Paris 2008La dernière section confronte également divers artistes américains et européens des années 1960.
L’ensemble prouve qu’à différents endroits de la planète les artistes font face aux mêmes problèmes plastiques, bien qu’ils l’expriment de manière différente dans leurs oeuvres.

La collection Berardo, commencée à partir de 1992, comporte aujourd’hui 862 oeuvres. Elle est exposée au Centre Culturel de Belem à Lisbonne, dans un musée qui porte le nom Colecçao Berardo depuis 1996. Comme toute collection privée, elle ne vise pas à détenir des oeuvres incontournables comme peut le faire un musée mais s’enrichit en fonction des coups de coeur intuitifs de son mécène, qui est bien sûr entouré d’experts.

Autodidacte, José Berardo (né en 1944), l’est professionnellement et artistiquement. Il quitte l’école à 13 ans, travaille dans une coopérative vinicole avant de suivre ses parents en Afrique du Sud. Après avoir effectué divers métiers (garçons de ferme, horticulteur, transporteur, négoçiant, etc.), il achète une mine d’or abandonnée. Et la fortune fut! Puis il se lance dans le commerce de diamants et devient un homme d’affaires qui touche à tout: finances, hôtels, télécommunications mais aussi commerce du tabac, vin, nourriture pour animaux… Devenu milliardaire – sa fortune est estimée à 2 milliards de dollars -, il revient dans son pays natal.

Foin du luxe tapageur, J. Berardo utilise son capital en investissant dans l’art. Son objectif: avoir une collection qui reflète une vue panoramique de l’histoire du XXe siècle. Choisir des oeuvres qui aident à comprendre l’évolution de l’art. Que le nom de l’artiste soit connu ou pas, telle la sculptrice française Germaine Richier (1904-1959), célèbre de son temps – elle fut le maître de César – mais tombée dans l’oubli . Ou la Russe Liubov Sergeievna Popova (1889-1924) qui allie le cubisme et le futurisme (cubofuturime) et parvient à introduire de la tension sur une surface plane en combinant des formes géométriques, dynamiques, et de la matière mate.

Aujourd’hui, l’homme d’affaires continue à investir dans l’art pictural occidental, tout en confiant sa collection à l’Etat portugais, en échange des murs du musée. Mais il s’implique aussi dans l’art oriental: à l’annonce de la destruction des Bouddhas de Bamyan par les talibans afghans, il a décidé de faire construire des Bouddhas en Chine pour les situer dans un jardin aménagé au centre du Centre Culturel de Belem. « Du temps de Mao, tellement d’originaux ont disparu, victimes de la Révolution culturelle, qu’il n’est pas question de faire sortir des originaux… Penser que Bouddha soit bien ou mal n’est pas mon affaire. Mais garder la mémoire d’une culture, voilà ce qui m’intéresse », confie-t-il à l’écrivain-journaliste Jean-François Chaigneau.

Les oeuvres sélectionnées pour l’exposition parisienne relèvent donc d’un certain éclectisme qui témoigne du foisonnement des courants artistiques au cours du XXe siècle. André Cariou, commissaire de l’exposition De Miro à Warhol et spécialiste reconnu de l’art moderne explique: « L’art abstrait naît dans les années 1910, aux quatre coins de l’Europe, du cubisme et des recherches sur les formes de la couleur avec Mondrian, Malevitch, Kandinsly, mais aussi Kupka, Delaunay, puis Klee, Ozenfant. Elle se développe durant tout l’entre-deux-guerres, surtout à Paris, alors capitale mondiale de l’art. En parallèle et en opposition, le surréalisme (Ernst, Miro, Dali, Magritte, Tanguy, etc.), issu du mouvement dada, se développe à Paris. » Le régime nazi force nombre d’artistes, dont l’art est considéré comme « dégénéré », à s’exiler d’Europe pour rejoindre New York. C’est ainsi que les idées surréalistes d’écriture dessinée automatique (Masson, Miro) et leurs formes biomorphiques atteignent les peintres locaux (Pollock, Gorky, de Kooning), qui les réinterprèrent pour donner naissance à l’art abstrait américain des années 1960 (l’Expressionnisme abstrait), qui lui-même devient l’Action Painting par lequel Pollock se fait connaître.
L’exposition se termine sur les oeuvres de l’Italien Lucio Fontana (1899-1968) qui remet en cause le support de l’oeuvre d’art en déchirant sa toile et un portrait de Jacqueline réalisé par Julian Schnabel (né en 1951), néo-expressionniste abstrait, fondateur de la « Mauvaise Peinture », qui provoque le bon goût de l’époque en présentant des oeuvres figuratives et narratives pour s’opposer à l’art minimal et conceptuel des années 1970.

L’ensemble des oeuvres sélectionnées dans l’exposition parisienne permet de « faire l’expérience du XXe siècle », selon l’expression de J. Berardo. Indéniablement, le visiteur assiste à un exposé visuel condensé de l’histoire de l’art, étudiée sous le prisme de trois approches picturales: la figuration, le surréalisme et l’abstraction. Mais, cet angle implique que seule la première salle suscite une émotion esthétique tandis que les oeuvres de fin de partie, dans le contexte actuel, ne provoquent plus guère l’esprit. Cette déception de fin de parcours est compensée, en revanche, par l’envie que cet embryon de collection suscite, d’aller voir l’ensemble des oeuvres au Centre Culturel de Belem!

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