De l’art du noir et blanc

Les miroirs III, 2005 (c) Minot-GormezanoMinot – Gormezano: L’Ombre, le Reflet

Jusqu’au 5 avril 2009

Maison Européenne de la Photographie, 5/7 rue de Fourcy 75004, 6€

Rares sont les photographes contemporains qui pratiquent encore le noir et blanc en argentique. Gilbert Gormezano et Pierre Minot font partie de ceux-là, depuis plus de vingt-cinq ans. Leur dernier corpus d’oeuvres (2002-2007), « L’Ombre, le Reflet », est exposé à la Maison Européenne de la Photographie (MEP) qui a acquis la totalité des tirages pour sa collection permanente. Et pour cause, l’esthétique de leurs photographies transforme le réel par le prisme du noir et blanc et nous transporte vers des voies imaginaires subliminales.


Lors de la précédente rétrospective de Minot-Gormezano, « Le Chaos et la Lumière », présentée à la Bibliothèque nationale de France en 2003, le philosophe Robert Misrahi (né en 1926) a ressenti un écho entre son propre travail sur la compréhension de l’être et celui des photographes.
Le fruit de cette rencontre est condensé dans un très beau catalogue d’exposition, alliant la pensée en mots sur l’existence du philosophe et celle en images des artistes.
Après le chaos du réel et la nudité des corps  des années 1990, ces derniers semblent avoir trouvé un apaisement existentiel qui s’illustre dans « L’Ombre, Le Reflet ».

Le Haut-Pays VI, 2005 (c) Minot-GormezanoSur fond de paysages de montagnes (Le Haut-Pays), marin (Les miroirs), céleste (Les Eclairs), un corps – celui de Pierre Minot – émerge, créant du lien entre la nature et le spectateur. « Il ne s’agit pas d’un simple décor dans le paysage », commente G. Gormezano. « Pierre interagit avec le paysage ».

Ce corps apparaît souvent sous la forme de son ombre (cf. Les miroirs III). Tantôt floue, tantôt nette et précise, au premier plan ou au loin, la silhouette de Pierre Minot s’intègre naturellement dans le cadre capturé par Gilbert Gormezano. Jamais la présence humaine ne casse la sérénité du paysage. Au contraire, elle renforce le mystère de la grâce de la Nature.

Si les lieux de pose sont choisis au gré des voyages des artistes, après avoir vécu suffisamment longtemps pour s’imprégner de l’atmosphère ambiante, la localité n’est pas (n’est plus) précisée. « C’est une manière de mettre cette invitation au rêve, offerte par les photos, à la portée de tous. Préciser un lieu, c’est poser une entrave à l’imaginaire de l’observateur », justifient les artistes.

D’où le choix assumé du noir et blanc – comme celui de faire leur propre tirage – qui, au-delà de traduire l’interprétation personnelle des artistes face au monde réel, nous élève vers des voies célestes. Et suscite notre imaginaire par l’intermédiaire de l’art.

Des photographies qui déclenchent un processus fort aussi bien au niveau émotionnel que spirituel.

A voir aussi  à la MEP: « Aqui » de Miguel Angel Rios, « Le Don » de Giorgia Fiorio, « Le Frimeur Flamboyant » de Robert Combas, »Atelier » de François Rousseau et « American Dream », cartes postales photographiques du début du XIXe siècle.

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