Une idée de la féminité à travers les arts africains

Bamana, Mali. Statue jonyeleni. Bois, fibres, perles, métal et pigments. Collection particulière (c) Archives musée Dapper / Hughes DuboisFemmes dans les arts d’Afrique

Jusqu’au 12 juillet 2009

Musée Dapper, 35bis, rue Paul Valéry 75116, 6€

Sensualité et fécondité des objets d’art africains consacrés à l’effigie féminine. Le musée Dapper consacre une magnifique exposition aux créations des sculpteurs africains, qui transmettent par la maîtrise de leur art une certaine idée de la féminité.

Les sculpteurs africains travaillent pour le groupe auxquels ils appartiennent et non pour eux-mêmes. Ils créent des oeuvres qui transmettent des informations quant à la place occupée par la femme dans la société africaine d’hier et d’aujourd’hui.

Luba, République démocratique du Congo. Pipe. Musée royal de l'Afrique centrale, Tervuren (c) Photo Roger Asselberghs / MRAC, TervurenFigures debout, agenouillées ou assises, un enfant parfois sur les genoux, porté sur la hanche ou dans le dos. La femme est omniprésente dans la représentation artistique africaine. Ce statut d’effigie traduit l’importance que la femme occupait dans les tribus et occupe encore aujourd’hui dans les sociétés villageoises. Mais cette place reste généralement confinée à la sphère privée. La femme africaine est avant tout une mère porteuse.

Asante, Ghana. Figure akuaba. Bois et pigments. Collection particulière (c) Archives musée Dapper / Hughes DuboisTrès tôt, les petites filles sont préparées à leur futur rôle de mère. Elles possèdent des poupées qui sont ensuite remplacées par des figurines, à valeur fétiche pour favoriser la fécondité chez les Dowayo du Cameroun ou les Asante du Ghana. Conditionnées aux tâches domestiques dans leur enfance, les jeunes filles sont ensuite initiéee à la sexualité dès qu’elles atteignent la puberté. L’arrivée des menstruations signifie autant « l’irruption de l’impureté » que son pouvoir de fécondité. La jeune fille « entre alors dans le circuit des échanges matrimoniaux » (Afred Adler, 1870-1937, fondateur de la psychologie individuelle) et devient la prérogative de l’homme, son père ou son oncle maternel dans un système matrilénéaire.

Yaka/Suku, République démocratique du Congo. Statuette. Bois, métal et pigments. Musée royal de l'Afrique centrale, Tervuren (c) Photo Jean-Marc Vandyck / MRAC, TervurenLes sculpteurs s’intéressent au corps de la femme à partir du moment où ce dernier prend des formes généreuses. Sont magnifiés les seins gonflés et le ventre arrondi, parfois marqué de frises de scarifications comme chez les Yaka et les Suku (République démocratique du Congo). La statuette ici exposée possède en outre la particularité de présenter une femme dans la position d’accouchement accroupie.

La femme féconde, qui permet d’apporter de la richesse aux groupes par le biais de ses enfants, est aussi valorisée chez les peuples Kongo et Yombe (Congo) et chez les Senufo (Côte d’Ivoire). Dans cette tribu, la femme dispose en plus du privilège d’incarner la mémoire et les valeurs de la communauté.

Suku, chefferie de Mutangu, République démocratique du Congo. Statue khaaka. Bois et pigments. XIXe siècle. Collectée par G. Verbist, inscrite en 1948. Musée royal de l'Afrique centrale, Tervuren (c) Photo Roger Asselberghs / MRAC, TervurenChez les Makonde (Tanzanie), les hommes portent des « masques de ventre » gravides lors de danses rituelles pour témoigner de l’importance de la procréation.

Edo, Ancien royaume du Bénin (Nigéria). Tête commémorative d'une reine mère uhunmwun elao. Bronze. Fin du XVIIIe siècle. Acquise d'Albert Maschmann en 1898. Staatliches Museum für Völkerkunde, Munich (c) Staatliches Museum für Völkerkunde, Munich / Photo Marianne FrankeDans un autre registre, les femmes africaines peuvent jouer un rôle fondamental dans le domaine politique et spirituel, les deux sphères étant souvent liées. Si l’organisation et la gestion du royaume, le magistère religieux, la chasse et la guerre constituent les chasses gardées de l’homme, certaines femmes assurent des fonctions dignitaires. Le titre de reine mère – iyoba – est instauré au XVIe siècle par le roi Oba Esigie dans l’ancien Royaume du Bénin (aujourd’hui le Nigéria) pour rendre hommage à sa mère toute puissante. Il en fait couler une tête commémorative en bronze; un usage qui se répandra dans les générations suivantes. Avant le XVIIe siècle, les potières Akan (Côté d’Ivoire/Ghana) fabriquaient des têtes, en terre cuite, représentant des visages d’ancêtres couronnées.
La ménopause, qui fait disparaître l’impureté du corps, permet aux femmes africaines d’accéder aux sphères d’autorité et acquérir un droit de parole. Son statut d’ancêtre à part entière lui confère dès lors un rôle primordial dans les rites funéraires. Ainsi en est-il chez les Ngata-Ntomba (République démocratique du Congo).

Dogon, Mali. Statue dege dyinge représentant le couple de jumeaux primordiaux. Bois, métal et pigments. Musée Dapper, Paris (c) Musée Dapper, Paris / Photo Hughes DuboisL’exposition présente près de cent cinquante oeuvres qui témoignent de la diversité des rôles et du statut de la femme dans l’Afrique subsaharienne. Un parallèle intéressant est dressé entre certaines statues africaines Egypte. Statue du couple Hor et Nefertiry. Granit rose. Nouvel Empire, XIXe-XXe dynasties, 1295-1069 av. J.-C. Musée du Louvre, Paris (c) 2003, Musée du Louvre / Georges Poncet(couple Dogon, maternité Kongo) et celles de l’Egypte ancienne (couple Hor/Nefertiry, Isis allaitant Horus). Des pièces exceptionnelles qui complètent à merveille la lecture de Que vivent les femmes d’Afrique? de Tanella Boni.

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Une réponse à Une idée de la féminité à travers les arts africains

  1. Adèle Vergé dit :

    Porteuses d’enfants soit, mais dommage qu’il ne soit fait etat d’aucun autre role de porteuses pour les femmes africaines : porteuses de fagots, porteuses d’eau, porteuses de fruits, de légumes, porteuses de rondins de bois,porteuses de briques, de pierres, de terre, la liste peut s’allonger, elles portent tout meme les enfants dans leur ventre et, ou, sur leur dos

    C’est vrai que dans la statuaire africaine il n’y a guere de porteuses de bois.Je m’emploie à essayer d’y remedier. Je vais lire  » Que vivent les femmes d’Afrique « en espéranr que je vais trouver dans ce livre un écho à mes préocupations .

    Adèle Vergé

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